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LA PERTE DANS UN SOURIRE

Comme une descente dans un lieu inconnu. Il ne se préoccuperait pas de savoir ce que l’on porte.
Le corps avec lequel il est.
Le corps qui lui permet d’aller dans un ailleurs.

Il ne transporte rien d’autre que lui.
Il ne peut d’ailleurs pas s’en débarrasser.
Ils sont liés. Le corps et l’esprit.
L’esprit qui veut avancer vers un ailleurs et le corps qui exécute le désir de la pensée.
Le corps aimera cela, la perte de repère.
Ne plus avoir besoin de direction.
Etre nu de direction.
Juste marcher, le regard mi-clos, béant.

Pour l’instant personne.
Il n’ y pas cette idée de fuir.
Je ne parle pas encore de lâcheté.
Je parle de droiture dans sa propre perte. Perte des repères géographique.
Sauter souffle coupé.
Etre excité de ne pas savoir.
Ne pas savoir combien de temps.

Quand il retrouvera les autres tout à bord il ne les verra pas, il ne s’arrêtera pas.
Il aura toujours cette impression de désert, où le pas est très lent dans l’immensité.
Peut être qu’il se retourne.
Il n’a pas de règle, il a compris qu’il pouvait s’en passer.
Il n’a pas non plus peur de perdre sa liberté.
Peur de perdre.
Ca va dans les deux sens.
Plongé dans cette liberté,
il pourrait avoir peur de la perdre, qu’elle file, qu’elle s’échappe,

seulement parce qu’un tel lui dirait de..
Non
Enfin et si cela arrivait il ferait autrement.
Il serait toujours dans cette élan brutal de franchise.

Celui là n’est pas illuminé.
Il vit.
Il a une soif irrégulière.
C’est peut être d’ailleurs ce qu’il a de commun avec le reste du monde.

Mais l’irrégularité et la droiture
l’irrégularité et la franchise.
Comment ça se mêle..
Et comment ne pas se perdre définitivement si l’un appelle l’autre constamment.

Il n’y aurait donc aucune constance.
Aucun signe de fin?
Celui-ci s’égarait moins qu’il ne se perdait.
Parce que pour lui l’égarement fût un peu lâche.
Se perdre par contre le dépasse, la perte générale ne prévient pas. Et c’est ça qu’il aimait en elle.

Cette manière d’arriver à l’improviste et de se trouver totalement désarçonné devant elle.
Immaculé de déraison.
Taché.

Parfois cette perte le prenait à l’intérieur des yeux.
Par les coudes.
Entre le sol et lui.
Ce qui le rattachait au néant et au réel c’était donc elle. Qui ne prévenait jamais.

Insouciante presque heureuse de lui donner ces sueurs froides.
Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il raffolait d’elle, mais ce sentiment de perte commencé à l’obséder.
Parfois il s’en souvenait à la gorge.
Et si cet état de perte l’abandonnait?

Ce serait tant mieux pour lui. Il n’y a rien de pire qu’un être qui s’habitue pour son propre plaisir à quelque chose qui est hors d’atteinte.
Mais peut être aussi que c’est humble d’être émerveillé par une chose impalpable.

Pour un temps il se priva de parler et de penser. Comme une mise au cachot.
Il se renferma sur lui même.
décida de s’oublier.

Peut être que quelque chose jaillirait.
Il ne prévoyait rien.
Il n’avait pas besoin d’aller jusque dans le désert, il pouvait éprouver l’état de désert, ici dans cette pièce.
Très rapidement cet état d’enfermement dans lequel il s’était mis, entre ces quatre murs lui déplu.
Cela ne lui convenait pas.
Il ne supportait pas de pénétrer dans un état proche de la moisissure. Il préférait l’air libre.
Et puis il ne supportait plus d’être avec lui même.
Après seulement deux jours d’enfermement il sortit.
Il sortit à l’aube, lumière bleue.
Quelques silhouettes dans la rue.

Il eut envie de parler.
Il ne connaissait plus personne.
Donc il aurait l’embarras du choix, il avait juste à s’avancer vers une personne et lui parler.
Rien de plus simple.
Un peu plus loin devant lui sur le même trottoir une femme marche seule.
Il presse le pas, il a envie de lui toucher l’épaule, qu’elle s’arrête, se retourne. Echanger quelques mots.

Seulement son corps ne réagit pas, il est pétrifié. Impossible de l’approcher plus que du regard.
La femme marche, dos à lui.
Il l’a regarde, il ne peut faire que cela.

Ses yeux regardant plus souvent vers le sol, il remarque d’abord qu’elle porte des chaussures à talon sans signe particulier. Un manteau long tombant jusqu’en haut de ses chevilles. Elle a les cheveux relevés ainsi qu’un air crispé par le froid.

Il presse un peu le pas, pour enfin arriver à sa hauteur et pouvoir commencer à échanger.
ll pourrait par exemple lui dire un mot, n’importe lequel.
Pressant le pas, il arrive à sa hauteur il n’ose plus la regarder. Il la dépasse.

Maintenant elle est derrière lui.
C’est sans doute elle qui le regarde à présent. Ou pas.
Pourquoi elle le regarderait, on ne regarde pas toutes les personnes qui nous dépasse.
Bon cette situation commençait à prendre une sale tournure. Pourquoi était-ce si difficile?
Il pourrait s’arrêter brutalement au milieu du trottoir. Alors peut être qu’elle le percuterait.
Une exclamation jaillirait.
Il s’arrêta net.
Une seconde plus tard, celle-ci le frôla et s’exclama « Tout de même vous ne pouvez pas faire attention, on ne s’arrête pas comme ça! »
Pas un mot ne lui échappa.
Seulement un sourire. Un sourire qui dura.
Il n’avait pas réussi à parler, mais son corps mine de rien avait réussi à intervenir et à altérer la marche d’une passante.
Alors il imagina qu’il pouvait à lui seul incarner la perte.
Elle, qui lui avait tant appris.
Désormais, ce serait à lui d’incarner et d’irradier cette état mystérieux.

Il y avait des risques à prendre dans cette mission.
Tout d’abord en voulant dévier la trajectoire d’une voitures, il manqua de se faire renverser.

Sinon ces derniers jours il avait, détaché les chiens qui attendent leur maître devant les magasins.
Plusieurs fois dans le métro empêché la sortie des personnes du wagon à leur station, se retrouvant obligées de descendre à la prochaine.

Il mettait des articles improbables dans les paniers des gens. Une fois seulement, il renversa son café sur une demoiselle bien apprêtée.
Chaque jour il se demandait comment désorienter le monde.

Cependant il n’avait toujours pas émis le moindre mot à qui que ce soit. Il se demandait même s’il en serait capable un jour.
Croyant même qu’il avait oublié comment faire.
Enfin il n’y avait pas de mal à ça, cela ne servait à rien de se brusquer. Pour l’instant il ne parlait pas. C’est tout.

Il marchait, il n’était pas revenu dans sa chambre depuis un moment. Il était peut être loin d’elle.
Il n’avait pas envie d’arrêter de marcher.

Un Jour, il tomba.
Il perdit connaissance.
Il se réveilla dans un lieu inconnu, chez un inconnu.
Cet inconnu le réveilla avec un saut d’eau. Pas si froide.
Il souriait, béat de tranquillité.
Une petite fille observait la scène. Cachée dernière un rideau. Il l’aperçut, son sourire se déplaça sur elle.
La petite fille cria.

L’inconnu qui devait être son père se précipita avec mollesse dernière le rideau et lui donna une gifle.
Alors la petite fille passa aux larmes.
Elle se mit sur le sol, tapa des pieds, des bras.

Toujours étendu et le regard fasciné, Il se mit avoir le hoquet.

C’est peut être la perte qui revenait à la surface et qui lui faisait signe. La petite fille s’arrêta de pleurer,
elle se leva et s’approcha timidement du lit.
Lui, avec son hoquet, et ses yeux béats..

La petite fille explosa de rire, et retomba par terre, elle roulait dans tous les sens.
Il s’était pris du rire en pleine figure.
Il était fou de joie.

Le père désorienté fit sortir de force la petite fille.
Ce fut tout pour ce jour là.
Il n’avait pas parlé mais il avait échangé avec elle grâce au hoquet, qui était presque un mot. A la limite du mot.

Une fois levé, il repris sa route.
vers nulle part.
Il décida de marcher à nouveau jusqu’à l’évanouissement
afin de se réveiller dans un endroit qu’il n’aurait pas choisi. Un endroit.

Rire peut être.

Après des évanouissement successifs,
Le corps commençait à encaisser pas mal.
Le visage était cabossé, il avait des pansements partout.
Les yeux, quand ils étaient ouverts allaient du jaune au rouge.
Et puis les dernières fois, personne ne l’avait ramassé. Personne ne l’avait mis dans un lit. Peut être que personne ne l’avait remarqué. Ou bien, personne n’avait voulu l’aider, enfin il commencé à effrayer peut être.

Il se rétablit comme il put.

Il décida de recommencer les évanouissement mais cette fois il les provoquerait. Ainsi, il pourrait voir qui et comment.
Voir et sentir les hésitations des gens à s’approcher d’un corps tombé, inanimé.

Il entendrait des discussions à son sujet.

Cette nuit il parla dans son sommeil.